España y la Inquisición (Textes chosis de Juan A. Llorente).
Michel Boeglin éd.
Afrancesado notoire, le clerc Juan Antonio Llorente (1756-1823) soutint l’invasion napoléonienne de l’Espagne en 1808 et prit fait et cause pour la nouvelle dynastie installée à Madrid. Nommé conseiller d’État pour les affaires ecclésiastiques et directeur des biens nationaux par l’occupant, il s’acquitta de sa tâche tout en poursuivant ses études et publications.
Sa connaissance privilégiée du Saint-Office, dont il avait été un des officiers, et les responsabilités exercées au nom du nouveau régime lui permirent d’accéder à des sources précieuses pour écrire l’histoire du tribunal. En 1811, il lisait devant l’Académie Royale d’Histoire de Madrid un mémoire qui serait connu sous le titre Memoria histórica sobre cuál ha sido la opinión nacional de España acerca del tribunal de la Inquisición, où les considérations historiques se mêlaient à ses convictions politiques, selon lesquelles l’Empereur, à travers le décret de Chamartín abolissant la cour honnie, avait matérialisé le voeu de l’opinion publique espagnole qui s’était toujours opposée à l’implantation du tribunal. C’est l’un de ces deux textes que la présente édition offre au public.
Le second texte publié dans ce recueil est un inédit, la Lettre à M. Clausel de Coussergues sur l’Inquisition d’Espagne, publiée à Paris en 1817, traduite pour la première fois en castillan (dans une très belle traduction de Cristina Linares del Castillo). La réponse écrite de M. Llorente au député royaliste d’extrême-droite, Clausel de Coussergues, qui mettait en doute la violence de l’Inquisition pour réclamer la suppresion des pensions versées par le gouvernement français aux réfugiés espagnols, déclencha de vifs débats à l’Assemblée entre les cercles catholiques français et les libéraux. Il éveilla dans le même temps, dans le public français, un intérêt renouvelé pour le tribunal de l’Inquisition, qui venait d’être rétabli en Espagne, au lendemain de la Restauration.
Ce texte où l’afrancesado résumait sa thèse contre l’arbitraire du tribunal était indéniablement imprégnée d’un parti pris anti-inquisitorial, reflet des convictions politiques et religieuses de son auteur, et c’est à la lumière des conditions dans lesquelles elle vit le jour qu’il doit être apprécié. À la suite de la parution de cet opuscule, soigneusement argumenté, qui allait être amplement diffusé en France et traduit dans plusieurs langues étrangères, les éditeurs consentirent à lancer une souscription pour l’édition de son Histoire critique de l’Inquisition d’Espagne depuis l’époque de son établissement…, en quatre volumes, le premier ouvrage général sur l’Inquisition fondé sur des sources de première main d’une incomparable richesse et qui demeure encore aujourd’hui, malgré ses travers, un outil incontournable pour l’étude du Saint-Office de l’Inquisition.